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11 Dec

Dire que snob signifie cordonnier

Publié par sissy-la-chieuse

Les origines

 
Thackeray : Autoportrait
 

L'origine du mot snob est britannique, mais son étymologie exacte prête encore à controverse chez les Britanniques2, tandis qu'elle est tranchée en français (voir ci-après). L'Oxford English Dictionary signale la première apparition du terme snab, avec un a, dans un document écossais datant de 1781. Le mot snab désigne alors un cordonnier ou son apprenti3,4. Il n'existe cependant pas de lien attesté entre cesnab, parfois orthographié snob, et l'acception qu'aura le mot snob en Grande-Bretagne une cinquantaine d'années plus tard.

L'étymologie du mot snob se réfère à un argot anglophone en usage dans lesannées 1820 parmi les étudiants d'Eton College ou de l'université de Cambridge5. Au lendemain de la bataille de Waterloo, le Royaume-Uni a connu une importante révolution industrielle. Dans cette génération, nombreux furent les fils de la bourgeoisie qui eurent accès à de prestigieux établissements scolaires jusque-là fréquentés essentiellement par les enfants de l'aristocratie. L'appellation de snob saurait alors désignet ces fils de la bourgeoisie par opposition aux nobs, les enfants de la nobility (noblesse), trop jeunes pour porter un titre nobiliaire et simplement qualifiés de « Honorables » : il importait de bien marquer la différence entre les deux classes sociales. Dans cette hypothèse, seule retenue par l'Académie française, l'étymologie de snob correspondrait au latin « sine nobilitate » (« sans noblesse »)6.

Quoi qu'il en soit, dès le début des années 1830 nobs et snobs formaient deux catégories bien distinctes, comme en témoigne un article du Lincoln Herald en date du 22 juillet 1831 : « The snobs have lost their dirty seats – the honest nobs have got 'em. » (« Les snobs ont perdu les sièges qu'ils ne méritaient pas, et les honnêtes nobles les ont obtenus. »)7.

Toutefois, le mot ne passa dans le langage courant qu'en 1848, lorsque parut le très célèbre Livre des snobs de Thackeray, recueil de nombreux articles publiés par cet auteur dans le magazine satirique Punch et qui popularisa le sens moderne du terme snob8.

La fin du xixe siècle

À l'orée du xxe siècle, Gustave Guiches (1860-1935) écrit une comédie intitulée Snob, créée le 5 avril 1897 au théâtre de la Renaissance. Dans les premières années du siècle, Bernard Shaw emploie le mot « snob » à propos d'un personnage qui juge les autres inférieurs à son rang.

Marcel Proust

Dans À la recherche du temps perduProust trace le portrait d’un certain nombre de snobs : Madame Verdurin et les membres de sa « coterie », l'ingénieur Legrandin et sa sœur la jeune marquise de Cambremer... Comme dans l’acception anglaise, le qualificatif de « snob » se situe pour lui à l’opposé de « noble ». Dans La Prisonnière, par exemple, il évoque une femme « snob bien que duchesse9 ».

Le snobisme des personnages de Proust passe par le mimétisme avec la classe jugée supérieure – en l'occurrence, l'aristocratie – et par l'adoption de ses codes, y compris dans la prononciation de certains mots ou patronymes10. Ainsi, dans Sodome et GomorrheMme de Cambremer née Legrandin a-t-elle appris à dire « Ch'nouville » au lieu de « Chenouville », « Uzai » pour « Uzès » ou « Rouan » pour « Rohan »11. Une jeune fille de la noblesse ayant dit devant elle « ma tante d'Uzai » et « mon onk de Rouan », Mlle Legrandin (future Mme de Cambremer) « n'avait pas reconnu immédiatement les noms illustres qu'elle avait l'habitude de prononcer : Uzès et Rohan ; [...] la nuit suivante et le lendemain, elle avait répété avec ravissement : « ma tante d'Uzai » avec cette suppression de l'« s » final, suppression qui l'avait stupéfaite la veille, mais qu'il lui semblait maintenant si vulgaire de ne pas connaître qu'une de ses amies lui ayant parlé d'un buste de la duchesse d'Uzès, Mlle Legrandin lui avait répondu avec mauvaise humeur, et d'un ton hautain :« Vous pourriez au moins prononcer comme il faut : Mame d'Uzai »12. »

Les années 1950[modifier | modifier le code]

En Grande-Bretagne et en Nouvelle-Angleterre, au cours des années 1950, la notion de snobisme a connu un intérêt accru auprès du grand public grâce au double concept de U and non-U. L'initiale U signifiait upper class, autrement dit la classe dominante et son mode de vie. À l'inverse, non-U désignait non pas les milieux populaires mais la petite bourgeoisie13. Cette classification était due à un professeur britannique de linguistique, Alan S. C. Ross, qui en 1954 consacra un article à ce sujet dans une revue finlandaise14. L'article accordait une attention toute particulière aux différences de vocabulaire entre ces deux groupes U et non-U.

La romancière Nancy Mitford écrivit la même année un essai sur ce thème, The English Aristocracy, publié par Stephen Spender dans son magazine Encounter. Elle y proposait un glossaire comparatif entre des termes apparemment synonymes mais en réalité connotés selon l'appartenance à la classe sociale. Par exemple, le mot looking-glass (miroir) était U ; le mot mirror ne l'était pas. Étaient U : drawingroom (salon), scent (parfum), schoolmaster (instituteur), spectacles(lunettes), vegetables (légumes), napkin (serviette de table), lavatory (WC), sofa.

À l'inverse, étaient non-U leurs équivalents : loungeperfumeteacherglassesgreensserviettetoilet ou WCsettee.

Loin d'en percevoir les intentions humoristiques, le public prit ce texte très au sérieux. L'essai de Nancy Mitford fut réédité en 1956 dans Noblesse oblige : An Inquiry into the Identifiable Characteristics of the English Aristocracy, enrichi par des contributions d'Evelyn Waugh, de John Betjeman et d'autres auteurs, ainsi que par l'article d'Alan S. C. Ross. Un poème de Betjeman, How to Get on in Society, concluait l'ensemble.

L'extrême gravité avec laquelle l'opinion publique se passionna pour le débat « U et non-U » reflétait peut-être les inquiétudes de la petite bourgeoisie britannique confrontée aux privations de l'après-guerre. Relayée par les médias, l'idée se propagea que chacun pouvait « progresser » en adoptant la culture et les usages d'une classe plus « distinguée » – ou, au contraire, ne le devait à aucun prix15. Autrement dit, la différenciation entre U et non-U, censée fournir le mode d'emploi des us et coutumes de l'upper class, servit de bréviaire aux snobs.

Deux ou trois leçons de snobisme
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De 
Publié par 
Nombre de pages : 200
 
Somme toute, le snobisme constitue un rempart assez solide contre la barbarie. Il y a des choses que certains ne pourront jamais comprendre. Allez leur expliquer le goût inimitable d’un gin tonique quand le soir tombe sur la Mediterranée, le délice que c’est d’être à l’arrière d’un taxi parisien qui remonte les rues de la nuit, de voir la neige tomber un matin sur le pont Alexandre-III.
La vie est faite pour relire des Pléiade dans des maisons de campagne en hiver, revoir des films de Claude Sautet en Blue-ray, s’acheter des chaussettes en double dans une boutique de Jermyn Street (en revanche, jamais de demi-bouteille au restaurant), aimer la villa Malaparte à Capri.
 
 
 
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